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Média Suisse et la SSR sont en froid

La SSR ayant fait preuve d’une certaine maladresse en voulant se rapprocher des éditeurs, ces derniers font feu de tout bois. Ils ont carrément refusé onze offres de coopération émanant de la SSR. Otfried Jarren, président de la Commission fédérale des médias, a préféré inviter les éditeurs à une « coopétition » avec la SSR.

Quelques jours à peine avant la traditionnelle rencontre de l’Épiphanie des éditeurs suisses, le directeur général de la SSR, Roger De Weck, a adressé une lettre à Hanspeter Lebrument, président de l’Association des médias suisses. Teneur de ce courrier : onze suggestions de coopération (voir encadré). Des suggestions d’autre part publiées par De Weck dans la NZZ avant que la lettre ne parvienne à M. Lebrument. On peut comprendre que le patron des éditeurs ait pris la mouche et qu’il ait attesté, dans le SonntagsZeitung, le « manque de crédibilité » de cette offre. Le journal considère par ailleurs qu’une coopération avec la SSR en position de domination serait « dangereuse » et risquerait d’aboutir à sa « suprématie absolue ». De son côté Nordwestschweiz a donné la parole à Robert Ruoff, cet ancien collaborateur de SSR actif dans la publication, qui a demandé, sur une pleine page, que la SSR soit plus fortement réglementée.
Lors de la rencontre de l’Épiphanie enfin, Lebrument n’a plus montré aucune retenue, déclarant qu’avec la toute dernière tentative de rapprochement de M. De Weck, la SSR « agressait » les médias privés. Et de tonner qu’« à la SSR, le guet-apens est monnaie courante », faisant aussi allusion à l’alliance publicitaire prévue entre SSR, Ringier et Swisscom. Il a également évoqué les « fausses notes » et la « brutale montée en puissance des dirigeants de la SSR » devenue un « monstre d’autorité », avant de récuser les onze points. « Ces propositions n’apportent rien du tout aux chaînes privées » a-t-il déclaré, ajoutant que le dialogue serait quand même engagé avec la SSR. Mais « les chaînes privées n’ont pas besoin que la SSR les aide encore plus. Ce qu’il leur faut, ce sont les recettes publicitaires que la SSR compte leur disputer. »

Pas de souci du côté de Ringier
Comme l’an passé, M. Lebrument a donc demandé que la SSR renonce totalement à la publicité et qu’elle se limite à « une offre média démocratique » (radio, TV et Internet), « fournissant ensuite gratuitement » aux médias privés ces contenus de service public. Sans jamais préciser ce qu’il entendait par « service public ».
Le président a aussi évoqué rapidement le départ de Ringier, rappelant que son association avait connu deux défections en près d’un siècle d’existence : la société qui éditait dans les années 80 le Tages-Anzeiger et quelques autres grands éditeurs, puis la maison d’édition de Lebrument et une vingtaine de membres de moindre importance dans les années 90. Mais le contact a été rétabli. Se montrant confiant, il a déclaré être « convaincu qu’en fin de compte, tout le monde finirait par se retrouver ».
Roger Köppel, éditeur de Weltwoche et conseiller national UDC, a ensuite pris la parole, abondant dans le sens de M. Lebrument : « J’approuve chaque phrase que vous avez formulée, Monsieur le président. » Il a ensuite évoqué les « événements néfastes affectant le paysage médiatique suisse », la « régression politique » et l‘« émergence d’un empire obscur » – une allusion au nouvel épisode de StarWars. Il a toutefois précisé ne pas être un adversaire de la SSR, et qu’il souhaitait seulement que « l’ordre soit rétabli ».

Le service public, une définition
Le professeur Otfried Jarren, président de la Commission fédérale des médias (COFEM), a ensuite effectivement tenté de remettre les pendules à l’heure, en constatant que la définition du « service public » était loin de faire l’unanimité. Il a précisé que même si les médias privés ont eux aussi une mission publique – semer le désordre afin de faire progresser la société –, le service public est autre chose : il a « un cahier des charges légal et explicite, incluant une concession et un mandat de prestations qu’il faut contrôler ». Selon lui, la discussion actuelle porte effectivement sur la politique de réglementation, thème fondamental en raison de l’évolution du paysage médiatique : il n’existe plus d’espace national protégé. En outre, le double système, composé des médias privés et du service public plus axé sur la neutralité, a été rejoint par les médias sociaux qui jouent un rôle important pour la jeunesse et les communautés. Il s’agit donc de discuter de l’attribution des compétences et des privilèges récurrents. M. Jarren a réitéré les suggestions présentées dans le rapport publié par la COFEM en décembre : maintenir le statu quo, l’affaiblissement de la SSR ou des chaînes privées étant dénué de sens. Il revient néanmoins à la SSR de faire preuve d’une plus grande transparence financière et de se fixer des objectifs explicites qui puissent être soumis à un contrôle externe. M. Jarren a laissé entendre que l’alliance publicitaire prévue (et notamment la collecte de données pour une publicité personnalisée) le laissait sceptique. Il n’en a pas moins demandé aux chaînes privées et à la SSR de trouver une forme de coopération. « La concurrence existe en termes de publications et d’économie. Nous sommes d’accord pour la première, mais il faudrait remplacer la seconde par une coopétition. » Il n’a toutefois pas commenté les propositions de M. De Weck.

[ASIDE]

Les onze points de M. De Weck

Roger De Weck propose de céder le secteur vidéo aux éditeurs, de partager certains droits de retransmission d’événements sportifs avec les télévisions privées, de permettre aux privés d’accéder au système de formation journalistique de la SSR et de mettre à leur disposition sa nouvelle plateforme HbbTV. Des coopérations sont également envisageables pour SwissTxt, le webplayer de la SSR ou pour le développement d’applications. Autres idées proposées par M. De Weck : un « Swiss Channel » commun sur YouTube, des facilités en matière de DAB+, et l’ouverture de canaux pour les télévisions régionales sur le modèle de PresseTV en Suisse alémanique. Le tout non pas gratuitement mais à un tarif avantageux.
D’autres points ne sont pas nouveaux : M. De Weck propose de nouveau aux radios locales des bulletins d’information et il promet aux éditeurs un accès « non discriminatoire » à la plateforme publicitaire qui réunira Ringier, Swisscom et SSR.[/ASIDE]

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