Les Chiffres

Etude Cominmag : Les salaires des agences de communication en Suisse romande

Avec cet article Cominmag s’attaque à un sujet peu traité dans le monde de la communication romande : les salaires. Notre enquête nous a menés dans quatre cantons. De quoi dresser un tableau sur une réalité salariale qui s’est figée en raison de la concurrence étrangère, du franc fort et d’une offre de main d’œuvre supérieure à la demande.

Le sujet reste tabou. Parler de salaires n’est pas commun dans l’industrie publicitaire romande. Les agences sont ici principalement des PME qui doivent trouver un équilibre entre leurs charges et leurs recettes et il n’y a pas de barème auquel elles pourraient se référer. Contrairement à la Suisse alémanique où le monde de la publicité est quasiment centralisé dans une seule ville, Zurich, en Suisse romande les agences sont réparties principalement sur quatre villes : Genève, Lausanne, Neuchâtel et Berne (agences romandes). Pour mener à bien cette enquête, les informations ont été recueillies par téléphone directement auprès des directeurs des agences. Les agences appartenant à des réseaux internationaux ont été répertoriées à part, leurs salaires répondant à des critères non locaux ; les intégrer aux tarifs genevois auraient eu une incidence à la hausse sur les prix pratiqués par les agences indépendantes de ce canton.
Ces précisions misent à part, nous pouvons tirer cinq conclusions :

1) Peu de DC et trop de DA
Le marché romand compte peu de directeurs de création (DC). Les fourchettes de prix présentées dans le tableau ci-dessous sont bien souvent des estimations, car soit les agences n’ont pas de DC, soit le fondateur et directeur de celles-ci officie comme tel. Dans ce cas, son salaire n’a pas forcément un lien direct avec cette activité.
C’est tout le contraire avec la fonction de DA (directeur artistique) Le fait que l’on délivre des diplômes de DA a engendré une confusion sur ce terme. Tous les directeurs d’agences interviewés sont revenus sur ce thème. On ne devient pas DA à la fin d’une formation. Dans le monde de la publicité, un DA est un graphiste avec expérience qui a précédemment occupé le poste de DA junior. Résultat, il y a trop de DA déclarés et peu de DA confirmés.

2) Les salaires stagnent, donc ils baissent
Voici dix ans que les salaires n’augmentent pas. Les fourchettes de prix pourraient laisser croire que l’on peut évoluer au sein d’une fonction. Or, la plupart des responsables réfutent cette vision. On entre avec un salaire et l’on reçoit, au mieux, une prime. Un directeur d’agence me déclarait : « Si seulement un de mes employés venait me dire qu’il avait reçu une meilleure offre salariale d’une autre agence ! » Résultat, il y a très peu de mobilité pour les employés. Lorsqu’ils perdent leur emploi, ils doivent se tourner vers le travail freelance.

3) Genève n’est plus l’Eldorado
Voici un mythe qui vient de tomber. Alors que tous les interviewés voyaient Genève comme la ville des hauts salaires, la réalité montre deux situations bien distinctes. Les réseaux internationaux, principalement installés à Genève, continuent à proposer des salaires plus élevés que ceux des agences indépendantes. Mais la stabilité de ces agences n’est plus autant assurée que par le passé. McCann-Erickson ou Grey ont déjà quitté la ville. Sur les quatre réseaux qui restent (Havas Worldwide, Young&Rubicam Group, Saatchi&Saatchi, M&CSaatchi), deux emploient peu de professionnels locaux.
En ce qui concerne les agences indépendantes, les salaires montent en fonction de l’éloignement de l’Arc lémanique. La raison invoquée : « C’est le seul moyen pour attirer des talents hors de Genève et Lausanne. »

4) D-U-M-P-I-N-G 
La proximité avec la France affecte directement le marché genevois. Le recours à une main d’œuvre frontalière (qui vient désormais de toute la France) est une réalité dont les responsables d’agences se sont accommodés, faute de pouvoir offrir de meilleurs salaires. Personne ne s’en vante mais personne ne cherche à cacher cette réalité. Toutefois, personne ne peut se résoudre à ne travailler qu’avec des frontaliers : « Ils ne connaissent pas la culture suisse. » Mais le constat est partout le même : « sans cette soupape, nous devrions nous contenter de travailleurs freelance. »
Un vivier qui ne cesse de croître, alimenté par les stagiaires qui, au fil du temps, finissent par devenir à leur tour des freelances. « On a le choix ! » Tant et si bien que le salaire des stagiaires n’est même plus un problème : certaines agences ne les rénumèrent pas. Hors des stages orchestrés avec les écoles, il n’y a aucune règle.

5) Quid de la formation continue ?
On forme sur le tas. Bien souvent, c’est grâce à l’arrivée d’un professionnel maîtrisant un aspect du numérique que les autres membres de l’agence se mettent à jour. Rares sont les agences qui offrent des formations à leurs employés.

Comment sortir de l’impasse ?
Là est toute la question. La santé des agences passe par celle de leurs clients. Or, la crise économique, le taux de change du franc suisse, la globalisation accélérée par le numérique, ont placé les agences romandes en compétition avec des agences du monde entier. Zurich n’est plus la seule rivale, d’ailleurs même cette place connaît également des problèmes. Alors que les salaires y sont plus élevés de 20 à 30% qu’en Suisse romande, la compétition avec les tarifs allemand pousse bien des clients suisses à confier leurs mandats hors des frontières.
La responsabilité est donc du côté des clients. Il est crucial pour l’avenir de cette industrie que les marques continuent à travailler avec des agences locales. Il en va de leur talent et de leur avenir.

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