Interviews

L’affichage, un média de masse qui se digitalise

Depuis le mois de juillet 2017, Marianna Di Rocco a repris la direction commerciale de l’afficheur Clear Channel Suisse. Un changement de média pour celle qui a construit toute sa carrière dans l’univers de la presse. Publicitas, Le Temps Media, Le Temps, Ringier Axel Springer Media (Admeira), un parcours qui lui a permis de suivre les stratégies publicitaires des marques sur le marché suisse. Une connaissance qu’elle met désormais à profit pour le média affichage. Comment s’est opéré ce changement ? Un retour d’expérience de la part de cette fine connaisseuse du marché suisse, cela ne pouvait qu’intéresser Cominmag.

Le marché de l’affichage est régi par quelques acteurs en Suisse. Quel est le positionnement de Clear Channel Suisse (CCS) et comment ce réseau international se positionne-t-il par rapport au numérique ?
L’inventaire des emplacements gérés par CCS étant majoritairement sur le domaine privé, nous nous sommes très tôt intéressés à la manière de digitaliser nos supports, notamment dans les points de vente. Cela nous a donné une avance, que nous avons pu mettre à profit sur différents supports d’écrans, comme par exemple les bornes digitales.

Un intérêt technologique qui ne s’est pas fait au détriment du développement de l’affichage analogique en rues, comme le prouve notre place de pionnier dans le déploiement d’écrans digitaux en rues et dans les réseaux commerciaux (totem digitaux). Dans notre offre, nos colonnes Morris (colonnes rotatives) sont complémentaires avec les derniers écrans HD LCD.

À propos de votre inventaire, comment est-il structuré ?
Nous gérons quelque 23’000 surfaces, notamment dans les principales villes et agglomérations de ce pays, avec une part de marché de 70% à Zurich. Nous sommes No. 1 en Suisse dans les stations-services et dans les POS, megastores COOP et Migros, ainsi que dans les Centres commerciaux Manor en Suisse romande. Nous détenons les concessions des Aéroports de Zürich et de Bâle. Pour ce qui est des bornes digitales, nous avons remporté la concession des villes de Lucerne et Zurich ; et en janvier 2018, nous avons créé une dizaine de bornes digitales en ville de Bâle.

Quant à l’affichage analogique, nous avons remporté la concession pour la commercialisation des abribus en ville de Zurich (plus de 1165 faces), ce qui fait de Clear Channel un leader incontournable pour l’affichage dans la première ville du pays. Nous sommes également concessionnaires de l’affichage en villes de Nyon et de Meyrin et nous avons des accords de collaboration avec les transports publics de Bâle et du réseau abribus dans la capitale fédérale (plus de 200 faces)

Les chiffres de la Fondation Statistique Suisse en Publicité montrent que le média affichage progresse autant sur les formats analogiques (supports fixes et transports publics) que numériques. Comment expliquez-vous cela ?
L’affichage est un média qui se digitalise fortement. Malgré une forte demande en ce sens de la part des annonceurs, il reste encore marginal car cantonné à des espaces intérieurs, dans les centres commerciaux, les gares et les aéroports.

Les villes sont encore réticentes à les autoriser, pour des raisons de cadre législatif, mais également pour des raisons écologiques. Et cela est appelé à évoluer. On remarque que face à la digitalisation en rues, les villes romandes sont plus réticentes que les villes alémaniques.

Pour les acteurs de l’affichage, il est crucial d’adapter leur parc aux nouvelles attentes des usagers en termes de services (information, connexion internet).

Du fait de sa qualité intrinsèque, ce média s’adapte à toutes les problématiques de communication des annonceurs. Aujourd’hui nous pouvons utiliser une affiche analogique et rendre interactif le dialogue de marque avec le consommateur, grâce à la géolocalisation par exemple.

L’affichage reste un média de masse et de puissance, dont on peut travailler l’affinité grâce au digital.  C’est le seul média qui crée rapidement un impact auprès d’un public-cible large ou restreint de consommateurs, sans fragmentation.

Peut-on parler de média « national », lorsque l’on sait que les droits d’utilisation du domaine public dépendent de concessions communales et que nous devons travailler sur trois marchés linguistiques ?
Oui, absolument. En ce sens il ne diffère pas des autres média en Suisse.

Nous vivons les prémices de l’affichage numérique. Que peut-on faire actuellement ?
On peut adapter les messages en fonction de la météo, les contextualiser en fonction de la date et de l’heure de diffusion, les adapter aux zones linguistiques.

Sur le marché français, Clear Channel a commencé à utiliser la reconnaissance faciale. Ce n’est pas encore le cas en Suisse, notamment pour des questions légales.

Les prochaines étapes seront d’accompagner les villes dans leur mue vers la ville intelligente (smart cities), en développant des infrastructures dans le domaine de la communication et de l’interaction avec ses habitants.

Jusqu’où pourra-t-on aller ?
Dans un idéal typique, le but est de proposer le bon message à la bonne personne au bon moment. Car l’affichage permet de toucher le consommateur tout au long de sa journée et au plus près de son acte d’achat : dans la rue, dans les transports (bus, abribus), dans les lieux commerciaux (écrans, bornes).

Avec le développement du digital, ce media devient instantané et interactif. Les émotions induites par la création sont des facteurs-clés pour maximiser l’impact et la mémorisation et pour optimiser ainsi le ROI des campagnes des annonceurs.

La technologie permet déjà une interaction mobile-affichage très intéressante pour ce qui est de l’identification. La reconnaissance faciale va également être un vecteur de personnalisation que certains utilisent déjà in-store. Mais cela implique que l’on collecte des données et si la technologie place tous les pays sur le même pied d’égalité, il n’en va pas ainsi des lois et des règlements. Tout ce qui est possible ne pourra pas s’appliquer partout, du moins dans un premier temps.

Les annonceurs suisses sont-ils intéressés par ces nouvelles technologies ?
Oui. La campagne pour l’Office du tourisme des Grisons, qui permettait d’interagir avec une personne et d’obtenir son billet de train, va dans ce sens. Cette opération était très créative mais également très onéreuse. Ce type de projets restent pour l’instant encore très confidentiels, même s’ils génèrent une grande notoriété, notamment pour l’agence qui les a conçus (ndrl. Jung von Matt/Limmat a remporté de nombreux prix avec ce concept).

Conseillez-vous les clients qui souhaitent entamer le virage numérique ?
Oui, bien sûr. L’émotion provoquée par la numérisation induit des relations fortes avec les agences créatives, pour mettre justement à leur disposition tous les outils dont disposent les afficheurs pour que la création soit la plus puissante possible et suscite les plus grandes émotions et sensations à travers leurs campagnes.

Si nous ne disposons pas de département de création à proprement parler, nous sommes en mesure de conseiller et d’accompagner les annonceurs et de leur proposer des solutions qui répondent à leurs besoins, nouveaux ou traditionnels. Notre pratique consiste également à trouver les meilleures combinaisons analogiques-numériques de notre réseau.

Considérez-vous l’initiative genevoise contre l’affichage sur le domaine public comme une menace pour votre branche ?
Ce débat me semble d’arrière-garde. La gestion de l’affichage par les communes a justement été créé pour contrer une invasion de messages commerciaux sur le domaine public. Partout en Suisse, les emplacements ont été réduits afin de valoriser leur impact. De plus, les concessions d’affichage sont un revenu non négligeable pour les villes et communes, notamment car le mobilier urbain est pris en charge par les sociétés d’affichage. Enfin, si l’on compare les messages diffusés par les publicités que l’on voit dans la rue à ce qui est diffusé en ligne, il n’y a plus de quoi s’effrayer !

CCS a-t-il postulé pour le mandat pour la gestion des surfaces d’affichage des CFF ? Etes-vous concernés par le recours de Tamedia ?
Oui. Nous avions proposé un projet ambitieux et très innovant. Malgré tout, nous respectons la décision des CFF. Tamedia est en droit de s’interroger et de connaître les motivations de la décision de la Régie fédérale.

L’arrivée de Tamedia à la suite de sa prise de participation au sein de Neo Adversting, est-ce pour vous la confirmation que l’affichage a le vent en poupe ou que les marges des opérateurs vont se réduire ?
Le marché suisse n’est pas extensible. Les acteurs média sont en train de recomposer leurs portefeuilles et il est intéressant de constater que l’affichage a une place croissante dans le mix-média. Les « purs players » de l’affichage doivent se profiler et se positionner de manière claire.

Quels seront vos défis en 2018 ?
La consolidation de notre inventaire dans le domaine privé et public. Et l’extension de notre réseau d’affichage digital. Enfin, gagner « encore » des parts du marché de la publicité en Suisse romande.

Vendre de l’espace publicitaire pour la presse ou pour l’affichage, est-ce si différent ?
Formellement non, la commercialisation reste le même métier quel que soit le média.

Ce qui différait, voici encore peu, c’est que les afficheurs étaient moins proactifs que les éditeurs de presse. Cela s’explique notamment par la structure des investissements en Suisse et par la plus forte concurrence entre les titres. La numérisation a bouleversé le modèle économique de notre industrie, ainsi que le regard que l’on porte sur l’affichage, et remis en question les pratiques de commercialisation. Désormais, les sociétés d’affichage mettent sur pied des équipes de vente qui doivent devancer les besoins du marché et mettre en avant de nouvelles qualités.

Telle est l’une de mes missions chez CCS.

Mais vous ne vendez pas le même produit…
En effet, je suis passée de la valorisation de marques média, de contenus et d’audiences, à la valorisation de solutions publicitaires pour répondre au contexte du consommateur et des marques annonceurs et connecter ces marques avec leurs audiences.

Les besoins des annonceurs sont toujours les mêmes : le bon service, la bonne information au bon moment et au bon endroit du parcours du consommateur.

www.clearchannel.ch

Victoria Marchand

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