Interviews

Groupe St-Paul : Eloge de la stabilité

Interview de Thierry Mauron, directeur de St-Paul Imprimeries et La Liberté

Les bonnes audiences des titres du groupe St-Paul – La Liberté (96.000 lecteurs) et La Gruyère (38.000 lecteurs) – prouvent que la presse régionale a encore un rôle important à jouer dans le paysage médiatique suisse.Mais pour assurer la pérennité de la société St-Paul Imprimeries et La Liberté, La Congrégation des sœurs de St-Paul, propriétaire de La Liberté, La Gruyère et Le Message,r ainsi que de ses trois centres d’impression, a choisi d’ouvrir, en septembre 2014, une partie de son capital à deux investisseurs fribourgeois : le Groupe E et la Banque Cantonale de Fribourg. Une décision qui survenait après l’arrêt de la rotative, qui imprimait notamment La Liberté, et la création d’une régie publicitaire interne. Thierry Mauron, directeur de St-Paul Imprimeries et La Liberté Médias SA depuis 2011, nous explique pourquoi il a fallu tout changer pour que rien ne change…

En septembre 2014, la Congrégation des sœurs de St-Paul a choisi de vendre 33% du capital-actions de la société St-Paul Imprimeries et La Liberté Médias au Groupe E et à la Banque cantonale de Fribourg. Etait-ce pour des raisons économiques ?
La St-Paul Holding se divise en trois parties : St-Paul SA, qui regroupe notamment les biens immobiliers de la Congrégation, media f SA, la régie publicitaire, et St-Paul Imprimeries et La Liberté Médias SA. Cette cette ouverture de capital visait d’abord à assurer la pérennité de cette dernière société.
Les sœurs de St-Paul, dont l’apostolat passe par la presse et les médias, ont en moyenne 81 ans. Ne pouvant compter sur une relève, elles ont cherché des actionnaires suffisamment solides pour assurer l’avenir des titres et des imprimeries. Leur choix s’est finalement porté sur ces deux entités fribourgeoises.

Tamedia ou le groupe ESH Médias n’auraient-ils pas été de meilleurs partenaires ? Le monde des médias se complexifie et la diversification du portefeuille a autant, voire plus de valeur, que les seuls moyens financiers…
Une alliance avec un groupe de presse nous aurait fait perdre notre indépendance et une partie de nos valeurs. Notre ADN, c’est la presse cantonale fribourgeoise. Notre ambition n’est pas de nous transformer en une marque média transrégionale ou nationale dont le développement passerait par l’achat de sites de e-commerce ou la création de services online.
Nous sommes conscients que les médias se digitalisent, raison pour laquelle nos contenus sont disponibles sur une version e-paper ou sur application mobile, mais cela ne doit pas nous faire oublier que notre premier mandat est d’offrir un contenu de qualité à destination du public de la zone économique 15.

Vous avez pourtant des liens avec Tamedia puisque vous imprimez La Liberté dans leur centre d’impression à Berne. Vous n’êtes pas si « indépendants » ?
Lorsque les Freiburger Nachrichten ont décidé de ne plus imprimer leur titre à l’imprimerie Saint-Paul, nous n’avons pu maintenir les coûts de production pour nos titres. Cela nous a contraint à fermer cette rotative. Nous ne pouvions faire autrement. Notre relation avec Tamedia est purement contractuelle, elle ne restreint nullement notre indépendance rédactionnelle ou managériale.

Cette fermeture n’a pourtant pas mis fin à votre métier d’imprimeur.
Non au contraire, nous n’avons pas cessé de nous développer. En 2012, nous avons investi quelque CHF 5 millions dans une nouvelle presse 8 couleurs. Il nous reste trois centres d’impression de ville ; à savoir à Fribourg, où nous nous concentrons sur le grand format (70 à 100cm), à Bulle, principalement dédié au moyen format (50 à 70cm) et à Estavayer-le-Lac où nous imprimons surtout en petit format (35 à 50cm). Au total, ce secteur emploie plus de 100 personnes.

La création d’une régie publicitaire intégrée est également un des chantiers que vous avez menés à bien depuis votre nomination à la tête de la société St-Paul Imprimeries et La Liberté Médias. Pourquoi avoir scindé le commercial régional et national ?
Depuis janvier 2013, média f est notre régie. Nous l’avons créée afin de servir au mieux les intérêts de nos clients locaux. Compte tenu de l’évolution de PubliGroupe, je pense que nous avons fait le choix de l’auto-régie au bon moment.
Au niveau national, nous continuons de travailler avec Publicitas et nous faisons partie de la combinaison publicitaire ROC (Romandie Combi) qui réunit les titres du groupe ESH (Le Nouvelliste, L’Express, L’Impartial) avec le Quotidien Jurassien et le Journal du Jura.

Quid de vos réservations publicitaires depuis le début de l’année ?
Nos résultats régionaux sont excellents. Sur les trois premiers mois de l’année, nous avons déjà réalisé le chiffre d’affaires de 2014. Cette bonne nouvelle est à mettre au compte de la bonne santé économique de la zone économique 15 et de notre politique tarifaire. La force d’une auto-régie consiste justement à pouvoir proposer des prix compétitifs au marché local qui ne peut s’aligner sur des prix nationaux. Cette stratégie s’est avérée payante car elle nous offre aujourd’hui des performances supérieures au marché national qui, lui, est fortement à la traîne en ce début d’année.

Doit-on comprendre que votre contrat avec Publicitas pourrait être remis en question si les résultats nationaux ne s’avéraient pas satisfaisants ?
Bien que la régie Publicitas soit en pleine restructuration, son réseau reste excellent. La conjoncture économique n’est pas porteuse en ce début d’année. Il est donc trop tôt pour prendre des décisions. Toutefois, nous ne pouvons nous offrir le luxe de ne pas rester vigilants sur les performances.

Les vagues de Mach Basic confirment que le lectorat de vos titres reste stable : La Liberté (96.000 lecteurs en 2014-2, idem en 2015-1), La Gruyère (37.000 lecteurs en 2014-1 et 38.000 en 2015-1). Ni les gratuits, ni le web n’ont réussi à réduire votre audience. Quel est votre secret ?
Ne pas avoir eu les moyens de toutes nos envies nous a certainement protégés de bien des erreurs. La particularité de notre actionnariat nous a également poussé à miser d’abord sur le contenu et à ne pas succomber à toutes les sirènes de la technologie.
Cela ne signifie pas que nous restions insensibles à la mutation numérique ; en tant que média nous la vivons de plein fouet. Mais de là à délaisser le papier, il y a un pas que nous ne sommes pas prêts à franchir. Pour preuve, nous avons entamé le chantier d’une nouvelle maquette. Car si le coût du papier ne cesse de diminuer, force est de constater que les coûts de développement online ne cessent eux de croître. Ce qui pose encore et toujours la question du confort de lecture que l’on offre à ses lecteurs. Je suis de ceux qui pensent qu’aujourd’hui rien ne remplace le journal.

Les éditeurs ont tendance aujourd’hui à offrir tout le contenu sur tous les supports. Cela passe par l’installation d’un paywall. Est-ce une piste que vous suivrez ?
Aujourd’hui nos lecteurs ont le choix entre un abonnement premium (journal + e-paper + articles payants en ligne), un abonnement papier avec ou sans complément numérique, et un abonnement numérique exclusif. Irons-nous vers un site tout payant ? Nous n’avons aucune urgence puisque nous n’avons jamais mis tout notre contenu en accès libre sur notre site.

Comment se fait-il que les données concernant les audiences online de La Liberté ne figurent plus dans Net-Metrix-Audit ? Etes-vous sortis de cette étude ?
Non, et nous n’y sommes pour rien. Nos données ont été bloquées par la REMP, éditrice de cette étude, en raison du contrôle de l’enregistrement du nombre d’ouvertures de e-paper effectuées via nos applications mobiles. Nous ne sommes pas le seul éditeur à être concerné par cette vérification et nous ne pouvons que déplorer que les données concernant La Liberté ne soient plus disponibles depuis le début de l’année.
Cela pose un problème autant à notre régie online Romandie Network qu’à nos partenaires de la combinaison ROC. Mais nous n’y pouvons rien. Nous serons à nouveau publiés dès mars 2015.

Quels seront vos développements futurs ?
Ces trois dernières années ont apporté bien des changements. Nous allons maintenant intégrer La Broye Hebdo, ce qui renforce notre ancrage local. De par notre taille et notre culture, nous devons rester pragmatiques et prudents. L’audace doit venir des rédactions, car l’avenir de notre groupe repose sur elles.

Comment voyez-vous votre rôle ?
Nous avons solidifié les bases, préparé l’avenir et pu garder notre indépendance. Je dois consolider l’édifice.

www.laliberté.ch
www.lagruyere.ch

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