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Edito : Le nouveau pari de Tamedia

L’expert en média français Jean-Clément Texier, président de la Compagnie financière de communication et de Ringier France, a développé une intéressante analyse sur la presse dans le magazine Entreprendre. Rappelant que la décroissance du média presse avait déjà débuté au début du 20e siècle, bien avant l’ère numérique, il regrette que les éditeurs n’aient pas cru dans le numérique. Un retard qui s’est avéré fatal face aux plateformes numériques. La bataille ne pouvait qu’être inégale car les éditeurs en sont restés au marketing de l’offre, là où les développeurs de la Silicon Valley ne juraient que par l’expérience client et la gratuité. On connaît la suite, la quête de rentabilité de Google et de Facebook a fini par convertir ces plateformes en aspirateurs à publicité, un hold-up qui est en train de détruire bien des groupes média.

Les éditeurs suisses pour modèle
Pourtant dans cette bascule, Jean-Clément Texier prend les deux principaux éditeurs suisses en exemple.  « Ce petit pays a depuis des années deux champions qui dépassent le milliard de francs suisses de CA, et qui ont su dégager en marge plus de 10%, (Ringier) et même au-delà (Tamedia) . Cet argent ne leur a pas servi à engraisser leurs actionnaires mais à créer les conditions idoines pour saisir de nouvelles opportunités dans des domaines différents… »

Résultat : « Nous avons assisté à une formidable consolidation opérée par l’éditeur Tamedia fondateur du Tages Anzeiger à Zurich. Il s’est installé à Berne, puis à Lausanne, Genève et enfin à Bâle. Ainsi, il a eu la possibilité de mettre en place un back office, d’harmoniser les formats et le plan de charge de son imprimerie, et de réaliser des économies. Il peut désormais embaucher des équipes de journalistes d’investigation et créer des suppléments. Aujourd’hui, on est assuré pour une dizaine d’années de la présence d’un titre régional dans les dix ou quinze premières métropoles suisses

Sur les cinq dernières années, un groupe comme Ringier a investi 2 milliards, soit le double de son chiffre d’affaires. Ce groupe ayant démontré qu’il était performant dans son ancien métier, les banques ont accepté de le suivre sauf que la famille propriétaire depuis six générations soit contrainte de se diluer. D’imprimeur à l’origine, Ringier est par la suite devenu éditeur de magazines, et se mue désormais en une entreprise numérique, et pourquoi pas demain en producteur de data. En 2018, 46% des revenus de Ringier proviennent du numérique qui lui fournit 71% de son résultat d’exploitation. »

La stratégie de Tamedia
L’annonce de la réorganisation de Tamedia la semaine dernière est à ce titre très intéressante. Alors que la politique de la marque avait prévalu longtemps dans ce groupe, la fusion avec le groupe Edipresse et la baisse des recettes publicitaires a ensuite poussé l’éditeur à regrouper les contenus et les inventaires publicitaires. Aujourd’hui, on change à nouveau de cap et on réintroduit les silos.

Ainsi la réorganisation proposée pour 2020 est la suivante, on se retrouve avec quatre pôles : Médias pendulaires, Médias payants. Commercialisation et Marketplaces.  En donnant la commercialisation au groupe Goldbach (qui intègre également Neo Advertising), on arrête les doublons avec Tamedia Advertising et on amène une nouvelle culture publicitaire. Et surtout, on s’assure à la manière d’un sous-marin que chaque entité puisse fonctionner par elle-même et qu’en cas de mauvais résultats les pare-feux fonctionneront. Certains y ont vu la fin du bloc médias payants. « Une erreur, commente-t-on du côté de l’éditeur. Le groupe a investi 30 millions de francs pour permettre à ce pôle de retrouver du souffle. »

Car ce qui est essentiel aujourd’hui c’est de repenser autrement l’offre. Le système de login et de paywall ne peut perdurer face à un public habitué à des plateformes de streaming où l’on ne se rend même pas compte que l’on paie un abonnement prohibitif pour offre qui n’est pas si vaste. Tout reste encore à inventer dans le monde de la presse.

Raison de plus de croire que les annonces de la semaine dernière vont bien au-delà d’une seule réorganisation  de groupe ou d’un changement de génération des responsables. Attendons janvier 2020 pour en savoir plus…

Victoria Marchand

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