Interviews

« Dans un monde global, rien ne remplace le local »

C’est en 2014 que Stéphane Estival a été nommé directeur général de ESHMédias. Un groupe média appartenant à Philippe Hersant qui comprend les entités et marques suivantes : le groupe Rhône Média (propriétaire du Nouvelliste, de la Gazette de Martigny, du Journal de Sierre et du Centre d’impression des Ronquoz CIR), la Société Neuchâteloise de Presse (éditrice de ArcInfo et arcinfo.ch) et les Etablissements Ed. Chérix (éditeur de La Côte et du Journal de la région de Cossonay), Les Editions de la Semaine Jurasienne SA (éditrice de l’Arc Hebdo) ainsi que les sites internet Realdeals, et Jobeo et sa nouvelle régie publicitaire Impactmédias.
Un portefeuille qui assure une forte présence régionale sur les cantons de Neuchâtel, du Valais et sur la côte lémanique, avec des titres régionaux leaders disposant d’un lectorat stable et en légère croissance.
L’actualité du groupe pour 2019 est l’entrée en fonction début janvier d’un nouveau centre d’impression à Monthey (VS), d’où sortiront tous les titres du groupe. L’occasion de rencontrer un acteur média qui, bien que dans le groupe depuis 2007, a la parole rare.

Dans le contexte actuel de la presse écrite, investir CHF 20 millions pour créer une nouvelle imprimerie peut être interprété de deux manières : il s’agit soit d’un geste fort envers la presse écrite, soit d’un acte insensé. Quel est le bon adjectif ?
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : Nous disposons d’un portefeuille de titres conséquent et 85% de nos abonnements se font sur nos éditions papier. De plus, les vagues REMP confirment que nous maintenons nos lectorats comme nos tirages.
C’est parce que nos marques médias se portent bien et que nous avons des projets pour les renforcer et nous développer que nous pouvons et voulons gérer toute la production de nos titres à l’interne en veillant à notre autonomie et en sécurisant notre politique industrielle. On n’investit pas une telle somme lorsque l’on est en fin de cycle. Le signal est clair pour le marché qui y gagnera par ailleurs avec cette nouvelle imprimerie en Suisse Romande, qui a par ailleurs déjà commencé à imprimer depuis quelques jours. !

Que vos titres soient moins touchés par le mouvement du « tout digital » ne signifie pas que, même dans des régions moins urbaines, l’intérêt pour le papier subisse également un fléchissement.
Les habitudes de consommation, contrairement à l’attachement aux marques médias, ne sont pas liées à la géographie. Nous connaissons également un mouvement vers le digital que nous accompagnons d’ailleurs fortement pour augmenter nos parts de marché sur les 35-50 ans. Notre objectif est de stabiliser notre niveau d’abonnement, nous n’en serons pas loin d’y parvenir en 2019. Avec nos rédactions, nous faisons évoluer notre offre de contenus, nos modèles de conversion et notre approche commerciale: l’abonnement devra être plus flexible et mensuel. Nous y travaillons.

La multiplication des canaux proposant de l’information gratuite ne cesse d’augmenter. Comment pensez-vous pouvoir résister sur le long terme ?
Nous ne nous battons pas sur le terrain de l’information gratuite. Nous sommes convaincus que les lecteurs auront toujours besoin d’avoir accès à une information de qualité et de proximité. Nos titres doivent apporter encore plus de valeur ajoutée en enrichissant l’actualité d’un regard journalistique nouveau en phase avec les problématiques de nos lecteurs. Il y a et il y aura toujours un public prêt à payer pour ce service.

Les revenus de la presse proviennent autant de la publicité que des abonnements. Or, ce secteur connaît également de grandes transformations. Vos annonceurs traditionnels continuent-ils à investir dans vos titres ?
Le marché publicitaire national n’a jamais eu un impact déterminant sur nos titres. Nos annonceurs sont principalement locaux et, étant donné notre fort taux de pénétration (env. 60%), nous restons pour eux un support indispensable dans leurs plans médias. De plus, la force de notre groupe est d’élargir notre inventaire au-delà du print et du digital.

De quel média s’agit-il ?
Un exemple, l’affichage. Depuis le mois d’avril 2018, nous avons acquis 51% de FrappeCom, une société veveysanne spécialisée notamment dans l’affichage public extérieur. Une diversification qui intéresse particulièrement les annonceurs locaux pour qui le DOOH est devenu un média également incontournable. Mais nous ne nous arrêterons pas là.

On ne saurait évoquer la publicité sans parler de Publicitas. Quel a été l’impact de la faillite de cette régie sur votre groupe ?
Comme bon nombre d’éditeurs de ce pays, nous sommes concernés par cette faillite. À ce stade, nous ne pouvons évaluer avec exactitude le montant de ces publicités non perçues. En fait, non seulement nous avions négocié de mettre fin à notre contrat avec Publicitas pour fin 2018, mais depuis le « Management buy out » au sein de Publicitas, nous avions obtenu que les créances clients nous appartiennent. Par conséquent, ces recettes ne sont pas perdues pour nous, mais nous ne savons pas quand nous parviendrons à les récupérer

En novembre 2016, vous avez co-organisé avec Seedspace un Hackaton à Genève. Le thème de ce MobileHack visait à créer des applications innovantes pour le commerce de proximité. Quel est votre objectif en organisant de telles réunions de développeurs ?
Tout d’abord l’apprentissage. La formule des hackatons nous oblige à fonctionner de manière plus agile et à réfléchir autrement en vue de trouver de nouveaux services, de nouvelles idées de business.
Un de nos objectifs est de soutenir le commerce local et les entreprises locales et multi locales (les entreprises constituées en réseaux), un secteur à fort potentiel d’investissement publicitaire pour nos titres. En proposant des solutions connectése, nous voulons les aider à réussir leur transformation digitale et contribuer à la pérennisation de leurs commerces.
Innover, proposer des solutions sur mesure pour les acteurs de notre marché fait totalement partie de notre mission. C’est aussi pourquoi nous avons lancé Digital Dynamics, une agence web dont la principale mission est de réaliser des sites pour les commerçants et de gérer leur SEO. Nos offres sur le marché annonceurs sont désormais portées par notre régie suisse romande, Impactmédias qui est dirigée depuis début octobre par un nouveau directeur, Laurent Claron, spécialiste des marchés locaux en France par son expérience de plus de 10 ans chez Solocal (en tant que membre du comité de direction), le local.ch français.

Vous avez également investi dans d’autres sociétés digitales ?
Nous avons repris fin 2015 la startup Jobeo.ch qui avait été incubée dans The Ark. Aujourd’hui, nous avons passé un accord technologique avec un acteur majeur des jobboards en Europe (Meteojob en l’occurrence) pour offrir une solution de matching sur notre site jobeo.ch. Cette technologie permet d’augmenter les services et les performances que nous rendons aux recruteurs et aux personnes en recherche, en proposant des mises en relations et des opportunités plus pertinentes. Un service qui est en ligne depuis septembre dernier et qui monte en puissance, et qui sera renforcé à l’avenir par de nouvelles prestations.

Vous avez également mis un pied dans le eCommerce…
Oui, plus qu’un pied au travers de la société Realdeals SA et de ses filiales (The Oh ! Company, La clé, le winter pass, le mini-guide) qui propose des offres promotionnelles en Suisse romande. Comme pour les précédents services, Realdeals est un outil de communication fort pour le commerce de proximité qui complète et renforce notre panel de solutions de communication.

De l’utilité à la complaisance il n’y a qu’un pas…
Aucune crainte, notre approche commerciale est totalement dissociée de notre couverture journalistique. Proposer des solutions de communication digitales est un moyen d’approcher nos annonceurs sous un angle plus serviciel à côté de la puissance de nos marques médias. Le secteur du commerce investit aujourd’hui dans les moteurs de recherche, les annuaires, les réseaux sociaux… nous sommes obligés de nous profiler sur ce terrain.
Pour ce qui est de la couverture journalistique, nous devons également être plus présents et plus que jamais nous descendons dans la rue pour couvrir ou susciter des débats, proposer un journalisme de solutions.
Ce sont deux approches qui répondent au même besoin : rester un interlocuteur indispensable sur nos territoires de diffusion. Ce n’est qu’à ce prix que nous garderons nos parts de marché. Dans un monde global, rien ne remplace le local.

La notoriété de vos titres est indiscutable. Par contre, le nom de votre groupe est peu connu. On continue à vous appeler « groupe Hersant ». N’avez-vous jamais pensé à trouver un titre plus fédérateur qui définisse mieux vos valeurs ?
Notre groupe est au début de son histoire, c’est pour cela qu’il est peu connu. Nous avons une marque de groupe ESHMédias (Editions suisses holding) qui regroupe nos entités locales. Formellement, nous sommes une fédération mais ce qui compte ce sont nos marques de presse. Quant à l’appellation « groupe Hersant », elle n’est pas correcte puisque ESHMédias, est totalement dissocié du groupe Hersant Média, un groupe qui opère uniquement en France.

http://www.eshmedias.ch

Victoria Marchand

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