Interviews

Heidi.com s’associe à Samsung

Après neuf ans d’existence sur le Web, la marque de vêtements à la petite tête ronde s’associe avec les géants Samsung et Zaha Hadid pour l’ouverture de sa première boutique, à Neuchâtel. Innovations à la clé…

A l’heure où de nombreuses boutiques du centre-ville neuchâtelois mettent la clé sous la porte, heidi.com s’apprête à créer l’événement dans le paysage économique et culturel de la ville avec un concept novateur de boutique multimédia, dans une ancienne caserne de pompiers. Les fondateurs de la marque, Willy Fantin et Andreas Doering, ne réalisent toujours pas très bien ce qui leur arrive, si ce n’est l’extraordinaire opportunité de prendre leurs aises, dès le mois de décembre, dans un petit bijou d’espace alliant haute technologie et architecture d’avant-garde. Andreas Doering nous reçoit dans les locaux actuels de la marque, situés dans la zone industrielle de Saint-Blaise.

Vos premiers clients ont souvent découvert heidi.com à l’occasion de manifestations culturelles. ?
Oui, nous avons vraiment démarré sur Internet et avons fait le chemin inverse des autres marques, puisque nous sommes passés du virtuel au physique. Nous avons, en quelque sorte, contourné la difficulté à se positionner sur Internet en y allant tout de suite, ce qui a énormément contribué à notre notoriété. Ensuite, des boutiques nous ont proposé de vendre nos produits, ce à quoi nous n’étions pas tellement préparés.

Comment votre positionnement a-t-il évolué ???
Au début, heidi.com était orientée streetwear, aujourd’hui, celui-ci est devenu pratiquement indissociable du hip-hop américain. Comme nous ne sommes pas des adeptes du bling-bling, malgré la présence forte de notre logo, nous préférons parler aujourd’hui de vêtements urbains. A l’opposé, donc, des vêtements de montagne, malgré le fait que nous ayons ironisé parfois sur le mythe des Alpes suisses. Notre slogan actuel, c’est « Swiss Fresh Fashion ». Faussement insolent, faussement naïf, tout à fait consensuel. Suisse, quoi.

Quand l’on évoque heidi.com, on a parfois l’impression que c’est juste un t-shirt avec un logo. Mais la recherche créative n’a cessé de se développer. Où en êtes-vous, aujourd’hui ???
Nous produisons deux collections de prêt-à-porter par an, auxquelles s’ajoutent des collections capsules, à savoir des relances de quelques pièces en milieu de saison. Nos produits sont de plus en plus orientés couture, avec des vêtements tissés, du tricot, qui demandent pour certains pas mal de travail.

Qui sont vos fabricants ?
L’essentiel de nos collections, tout ce qui est coton, est produit au Portugal. A cela s’ajoute l’Inde pour les imprimés (environ 10%) et la Chine (environ 5%).

Comment gérez-vous, aujourd’hui, cette « suissitude » à laquelle on continue forcément d’associer votre marque ?
Notre suissitude a toujours été très ambiguë. Elle a des aspects positifs et négatifs. Notre ambition est de projeter cette Suisse du savoir-faire et de la qualité dans le XXIe siècle, pour la rendre plus contemporaine, moins basée sur des clichés. Avec un côté sympa, qui ne se la joue pas.

Comment définiriez-vous votre clientèle principale ?
Nous n’avons jamais vraiment analysé notre positionnement. Nous vendons, ce qui est le principal, mais sans être sectaires. Nous nous associons beaucoup à des événements musicaux, mais entre le Paléo, Montreux ou le Rock’Oz Arènes, difficile de dégager une tribu bien précise. Notre public est constitué de personnes qui aiment bien sortir, se cultiver, payer pour de la culture plutôt que de rester assis sur leur canapé.

La marque a-t-elle du succès à l’étranger ?
Oui, mais le franc fort a eu un impact négatif sur nos ventes. Tout d’un coup, un t-shirt à cinquante francs était à quarante-trois euros, contre vingt-huit auparavant. Pour ce genre de produits, cela ne pardonne pas !

En voyant le nombre d’autocollants heidi.com sur les voitures, en Suisse, vous donnez l’impression d’être une grande marque. Or, pour l’heure, vous êtes toujours ici, à Saint-Blaise. Comment expliquez-vous ce décalage ?
Le business du textile est très dur. Quand on lance un t-shirt, il est difficile d’aller au-delà du cercle des amis et de la famille. Tenir, dans ce domaine, est une lutte de tous les instants. Il y a un pas énorme à franchir pour que cela marche vraiment, et nous n’y sommes pas encore tout à fait.

Et alors, le chiffre d’affaires se multiplie par dix, par cent ?
Voire par mille ! Mais ce n’est pas le fruit du hasard. Quand on creuse un peu pour voir qui se trouve derrière des marques comme Abercrombie, ce sont presque toujours des fonds d’investissements.

Il y a donc déjà une petite notoriété au départ, un savoir-faire créatif, et ensuite on injecte beaucoup d’argent ?
Oui, toute la partie créative, l’identité est déjà là en ce qui nous concerne. Nous avons grosso modo la même problématique qu’un musicien. A l’heure actuelle, nous sortons deux disques par année et il faut s’occuper de la promo, partir en tournée. Il faut faire en sorte que notre création finance la prochaine création.

Et alors, dans votre cas, débarque une multinationale, Samsung, qui vous aide à créer votre première boutique. Que viennent-ils faire à Neuchâtel ?
Samsung voulait pénétrer le marché suisse pour promouvoir certains de ses produits et nous a identifiés, depuis l’étranger, comme une marque à fort potentiel, avec une taille d’entreprise qui leur permettait de nous utiliser comme modèle d’enseigne sans se mettre à dos aucun client futur potentiel.

Plus concrètement ?
Samsung Chemical produit notamment une matière extrêmement innovante, le staron. C’est une pierre synthétique et ultra-hygiénique comme le corian, qui est très utilisée dans les hôpitaux, les cliniques et les établissements haut-de-gamme. Une pierre que l’on peut thermoformer pour en faire des structures architecturales. D’où le partenariat avec Zaha Hadid. Samsung souhaite communiquer « objet » pour montrer toutes les possibilités de ce matériau du futur.

Vous vous retrouvez donc un peu comme une marque cobaye ?
C’est un peu cela. Heidi.com fait partie du lab, avant l’apparition sur le marché. Cette ancienne caserne de pompiers de Neuchâtel deviendra donc le show-room de Samsung et la première réalisation de Zaha Hadid en Suisse.

A quoi ressembleront les lieux. Vous pouvez nous en dire un peu plus ?
Pas avant septembre. Samsung en réserve la surprise aux médias internationaux sur son stand de la foire 100% design, à Londres. En gros, Zaha Hadid travaille sur toute la partie architecture d’intérieur et mobilier de vente, et plus particulièrement sur une borne interactive dont le contenu multimédia sera conçu et géré par Inox Communication SA. Cette borne offrira au client la possibilité de commander n’importe quel produit heidi.com éventuellement non disponible dans le magasin.

La fameuse borne interactive ?
Oui. Il y a deux manières de travailler. Soit nous trouvons quelqu’un qui ouvre une boutique complète heidi.com à New York ou à Beirut, avec tout l’habillage intérieur qu’on a développé avec Zaha Hadid, soit nous plaçons un corner heidi.com dans un grand magasin comme les Galeries Lafayettes, où le client peut visualiser et commander lui-même son produit via la borne interactive.

Est-ce que ce projet va au-delà d’une boutique, aussi belle et luxueuse soit-elle, où acheter les produits heidi.com ?
Le client pourra y prendre un café, mais nous ne vendrons probablement pas d’autres produits que nos vêtements. Pas de tablettes numériques Samsung, par exemple. L’idée est de faire un écrin pour notre marque, puis de la déployer à l’international.

Qu’avez-vous prévu pour que le client s’attarde un peu à la boutique, qu’il y revienne ?
Nous aurons régulièrement des invités. En voyageant un peu à l’étranger, on découvre des mélanges un peu incongrus comme un coiffeur-libraire, un boucher-cafetier ou un tatoueur-disquaire. Nous allons nous en inspirer pour faire swinguer un peu tout ça. En invitant, par exemple, un artiste actif dans les arts électroniques, ou un DJ. Mais nous n’en sommes pour l’instant qu’au début de nos réflexions.

 

 

Huber Gauthier

Journaliste culturel, écrit notamment pour le Kunst-Bulletin et Artpresss

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